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Si les people parlent de leur cancer, pourquoi pas moi ?
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le diagnostic SE PRÉCISE

28 octobre 2010

La journée débute par un scanner et une IRM. Je dois me présenter à jeun à 10h30 à l'institut d'imagerie médicale en charge de les effectuer. Nous faisons une petite grasse mat' pour éviter de crier famine dès 7h00.

Arrivé à l'institut, je dois boire environ cinq à sept décilitres d'un liquide blanc insipide et vaguement laiteux qui a pour but d'améliorer le contraste des images. Après quelques minutes, on m'appelle pour le scanner, je me prépare et je m'allonge dans l'appareil.

Une fois la séance terminée, je suis dirigé vers un étage supérieur pour l'IRM cervico-faciale. Et là, j'attends une bonne heure avant que ce soit mon tour. Je commence vaguement à avoir les crocs…

Enfin c'est à moi. Tout comme précédemment, je m'allonge dans l'appareil, et on me cale particulièrement bien la tête afin d'éviter des mouvements pendant l'examen. L'appareil est assez bruyant mais je reçois des tampons auriculaires qui atténuent ces nuisances.

À la fin, je suis convoqué par un médecin qui m'explique que ces deux examens ont permis de dénoter une tumeur suspecte à la base droite de la langue et de mettre en évidence un total de trois adénopathies cervicales. Il m'informe également que la tumeur est petite: 12 x 12 x 14 mm.

C'est con, mais avoir pu cerner une bonne fois pour toutes cette putain de tumeur, -petite qui plus est !- me rassure. J'aime que les choses soient claires et nettes. Le flou gaussien, je préfère l'appliquer dans Photoshop® mais pas ou en tout cas plus dans mon existence. Je reçois également des DVD des images que je dois remettre le lendemain au Docteur Emery lors de la panendoscopie.

En ville, je rencontre quelqu'un qui m'invite pour un café. Je renonce, préférant rester seul avant ce contrôle intrusif. Je m'empresse de visionner les DVD mais c'est une perte de temps car je n'y vois rien ou je ne comprends pas les subtilités du noir et blanc médical.

29 octobre 2010

Lena me conduit à l'hôpital mais je me rends seul au rendez-vous. Je suis un peu vaseux à cause du somnifère pris la veille et tendu à cause de l'examen à venir.

D'une part, j'ai lu que les suites d'une panendoscopie peuvent être douloureuses et qu'une mauvaise manipulation des instruments risque de casser quelques dents au passage.

D'autre part et comme je l'ai dit, je déteste les hôpitaux ! En cours d'études, j'avais dû apporter des cours et des exercices à un ami qui s'était fait opérer du genou. Il était dans une clinique privée dont le hall ressemblait à celui d'un hôtel: fauteuils crèmes, plantes vertes, éclairage discret, ambiance cosy. Bref, rien qui put rappeler qu'il s'agissait d'un hosto. Et pourtant rien ne m'empêcha d'avoir des malaises, de me mettre vaguement à suffoquer. Et là, maintenant, le hall de l'hôpital public empeste le désinfectant ! Ahahah !

Une infirmière à la carrure d'instructeur des SEAL m'accueille. Elle me donne les premières instructions de manière quasi-martiale: "Les effets personnels vont dans ce meuble, vous vous déshabillez entièrement, vous enfilez la blouse et vous vous mettez au lit, on viendra vous chercher pour l'examen".

Mon sens de l'humour resté à la maison m'empêcha de hurler "SIR, YES SIR !"

Histoire de rester zen, je branche mon iPod sur de la musique de relaxation et je finis par m'endormir. Le Dr Emery me réveille, me demande les DVD, je les lui donne, nous discutons un peu et il s'éclipse: apparemment, je ne suis pas le seul à passer au bloc ce jour-là et il est à la bourre.

Une heure plus tard, des infirmières viennent me chercher pour m'emmener en salle d'op'. Je m'allonge, on me barde de capteurs, mon cœur bat trop vite, l'anesthésiste s'inquiète, du coup moi aussi et mon cœur s'emballe davantage. Quelqu'un me pose enfin le masque à oxygène, l'injection d'anesthésiant commence, quand tout à coup j'entends:

- "Monsieur Bays, Monsieur Bays, réveillez-vous !

- Mmmhpff ? Ah gn'est nermigné ?"

L'anesthésiste passe, me regarde et demande à l'infirmière: "il monte en chambre pour la nuit, lui, avec son réveil difficile ?" Non mais ça va pas non ? Je sors ce soir moi, je ne reste pas une nuit ici !

Je finis pas émerger totalement. Le Docteur Emery revient me confirmer le diagnostic, toujours avec son sourire rassurant, comme si j'avais tout au plus un léger rhume. Je dois le remercier tout comme mon généraliste ou quoi ? Par contre la bonne nouvelle est que la panendoscopie a suffi à cerner le problème, qu'aucune autre tumeur n'a été décelée et qu'une biopsie supplémentaire ne sera pas nécessaire. Mais il faudra agir vite car la tumeur est assez avancée, sans métastases toutefois. Ouéééé ! Ça promet pour la suite !

Il me convoque pour le concilium ORL de la semaine suivante et me donne une ordonnance pour des Dafalgan censés atténuer la douleur des irritations de la gorge.

Je peux enfin boire et uriner, condition sine qua non pour pouvoir quitter l'hôpital de jour comme je pourrai le constater par la suite. Je demande un téléphone pour appeler un membre de ma famille qui travaille à l'hôpital, histoire de tailler le bout de gras, puis j'appelle Lena pour qu'elle vienne me chercher.

Lorsque Françoise arrive, je lui raconte par le menu ce que j'ai, et comment je l'ai découvert et nous parlons beaucoup: des amis, de la famille, de la vie, etc. Et pendant ce temps, les infirmières font la tournée des patients examinés ce jour et j'entends l'une d'entre elles conseiller: "Surtout vous ne parlez pas ce soir, car vous aurez mal à la gorge demain". Et moi pendant ce temps ? Je continue à parler, de tout, de rien, peu importe, mais je parle.

Je finis par dire une évidence qui me vient à l'esprit à ce moment, comme une révélation: "Je vois ça comme une maladie grave, mais je vais finir par en guérir, oui, c'est comme ça que je vois ce cancer". Je l'ignore encore, mais c'est cette pensée qui m'accompagnera tout au long du traitement et que je ressers à qui veut l'entendre actuellement.

Lena apparait. Elle et Françoise échangent quelques mots pendant que je me rhabille. Smack-smack, bisous, courage, à bientôt (je la fais courte) et nous partons. En cours de traitement, je croiserai Françoise à plusieurs reprises. À chaque fois, nous passerons quelques moments de franche déconnade.

Premier séjour à l'hosto terminé, retour maison ! Avec la sensation d'avoir une angine puissance 10. C'est alors que me reviennent à l'esprit les conseils des infirmières de ne pas parler, ce que j'ai fait sans discontinuer au cours de la dernière heure. No comment.

Un ouvrier présent me regarde bizarrement. Lena se tourne vers moi et éclate de rire.

- ? ? ?

Dans un miroir, je constate qu'un produit colorant vert a été utilisé lors de la panendoscopie. J'en ai partout autour de la bouche et sur la langue... Direction la salle de bain. Avant de sortir pour faire les courses, je prends un bonbon contre la toux. Wouargh ! La douleur me fait sauter au plafond et je le recrache aussitôt !

Je passe un super week-end au cours duquel je perds 2 kilos, tellement la déglutition m'est douloureuse et m'empêche d'avaler quoi que ce soit, y compris les Dafalgan prescrits...

Quelques nuits plus tard, je me mets à tousser, ce qui me réveille, j'allume, je prends un kleenex pour cracher et que vois-je ? Un truc qui me réveille brutalement, à 3h17 du matin: du sang ! Meeeerde ! Je crache du sang !

Je me lève, m'examine la bouche dans le miroir de la salle de bain, mais je ne vois rien. Je me recouche et une quinte de toux me fait à nouveau cracher du sang. Pas vraiment rassuré, je tente de me rendormir.

Au réveil, nous fonçons aux urgences où je me fais examiner par une jeune interne qui est plus préoccupée par la lampe torche de son mobile qui ne veut pas s'éteindre que par l'examen de ma tumeur. Elle décrète qu'il n'y a rien de grave, que la zone est tout au plus sensible, pas de quoi paniquer donc. Je maile toutefois cette information au Dr Emery qui me rassure également, il s'agit d'une conséquence possible de la panendoscopie, rien de grave, la routine pour eux...

3 novembre 2010

C'est mercredi et nous nous rendons au concilium ORL. Le but de cette réunion entre spécialistes est de définir le traitement à appliquer compte tenu du cancer, du contexte et de l'état de santé de chaque patient.

Nous attendons, entourés d'autres malades. L'ambiance est déprimante et plombée par les nouvelles qui nous attendent tous. J'ai juste envie de foutre le camp le plus rapidement possible de cet endroit lugubre… Quand mon tour arrive, on m'installe dans une salle de consultation face à une webcam: j'ai vaguement l'impression d'être un animal de laboratoire. J'attends un médecin: personne. Après quelques minutes, le Docteur Emery vient me chercher pour m'emmener dans une autre salle et confirme une fois de plus le diagnostic: il s'agit bien d'un carcinome indifférencié (ou peu différencié). Il m'annonce la suite:

- "Le traitement consistera en six à sept semaines de radiothérapie et de trois cures de chimiothérapie espacées de trois semaines chacune. C'est un traitement curatif et non palliatif, car il s'agit bien d'éradiquer cette tumeur. Et il n'y aura pas d'intervention destructrice.

- Destructrice ?

- Oui pas de chirurgie…"

Non mais je rêve ! C'est quoi ce vocabulaire à la mords-moi ? Je croyais qu'une intervention chirurgicale était là pour sauver, non pour détruire, moi ! Il continue: "Ah et on va vous implanter un Port-à-Cath car la chimio a tendance à abîmer les veines, ceci permettra de vous injecter le produit, de faire d'autres injections ou des prises de sang via le PAC."

Pour info, un Port-à-Cath (PAC) ou "chambre à cathéter implantable" est un système installé sous la peau, au niveau de la poitrine et qui permet des traitements intraveineux prolongés ou  trop corrosifs pour les vaisseaux sanguins, notamment les chimiothérapies.
Je ne moufte pas, m'étant déjà renseigné sur le web.

- "Et on va également vous poser une PEG qui vous permettra de vous alimenter lorsque vous n'arriverez plus à le faire normalement. Il s'agit d'un tuyau raccordé à votre estomac et c'est très bien supporté par les patients pendant plusieurs mois si nécessaire.

- Ah ? Et qu'est-ce que c'est ? Jamais entendu parler, c'est douloureux ? 

- Non vous verrez, vous ne sentirez rien. Et enfin, vous aurez aussi à subir un bilan dentaire, le cas échéant à subir des extractions car la radiothérapie est agressive pour les dents: elle diminue la qualité et la quantité de salive. On vous préparera des gouttières fluorées. Mais la policlinique dentaire vous expliquera ça mieux que moi. 

- Pas de problème de ce côté-là, ma dentition est en parfait état.

- Tant mieux pour vous alors. Avez-vous des questions ?

- Non, je ne crois pas."

Je n'en ai pas car j'en sais assez pour l'instant et j'avoue être un peu assommé par l'annonce du traitement et de ses préparatifs à effectuer en urgence. Et au fond de moi, j'ai à nouveau l'impression qu'il s'adresse à quelqu'un d'autre et qu'il ne fait que me présenter le cas de cette personne. Dans l'immédiat, je préfère assimiler les infos reçues. On verra en cours de route pour les questions qui se poseront au cas par cas.

Il conclut en précisant que ce genre de traitement a été subi avec succès par de nombreux patients qui se portent très bien depuis quinze à vingt ans. J'ai failli lui demander ce qu'il advient au bout de cette échéance, mais ce n'était pas le moment. Il rajoute enfin: " Quant à moi je vous revois en avril pour un bilan final et examiner l'évolution de la tumeur". Well well well… Parce qu'elle risque d'évoluer cette salope ? Nous prenons congé de lui et nous quittons l'hôpital avec, en ce qui me concerne, une seule pensée en tête: j'espère qu'on va finir par la niquer cette tumeur !

 
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