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Si les people parlent de leur cancer, pourquoi pas moi ?
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DerniÈre radio

25 janvier 2011

C'est enfin notre ultime aller-retour radio à l'hôpital ! Cette fois encore il y a du monde qui attend: un père de famille avec son fils de 8 à 10 ans. Qui accompagne qui ? Le gamin se tourne pour parler à son père en une langue que je ne connais pas et j'ai un choc en voiyant l'arrière de son crâne, partiellement chauve. Je suppose une tumeur au cerveau et son traitement doit en être presque au début. Malgré la fatigue du traitement, je sens une bouffée d'énervement lié à de l'injustice monter en moi. Le gamin et son père sont appelés par une technicienne qui les conduit vers la salle d'intervention. Mon tour viendra dans 15 minutes.

Le guichet s'ouvre et qui vois-je ? Mathilda, qui avait ouvert les feux avec le mystère du masque perdu. Oui, ma copine du début, celle-là même qui m'avait assuré connaitre son boulot, m'a pris en charge pour cette séance. "C'est avec moi que vous avez commencé et c'est avec moi que vous allez terminer cette radiothérapie". J'avoue n'avoir rien osé répondre, trop pressé que j'étais d'en finir. Mais il n'y avait rien à dire cette fois, elle connaissait son boulot. Juste avant de poser ce fichu masque, elle observe ma gorge et me demande si j'ai fait le secret. je lui réponds un "oui" gargouillé en souriant.

Tout se passe bien et je me réjouis de sortir d'ici. Alors qu'il y a une cinquantaine de jours, je pensais conserver le masque en souvenir (c'est glauque, je sais), cette idée a totalement quitté mon esprit une fois la séance terminée.

A la fin de la séance, la technicienne m'a juste dit "Et voilà Monsieur Bays, c'est fini". Je l'ai remerciée, saluée et je me suis dirigé vers la sortie.

Avant que je ne quitte la salle, elle m'appelle. Je me retourne et à ce moment, elle dit simplement "Soyez heureux".

Et des années plus tard, je revis cette scène comme si c'était hier: sans trop savoir pourquoi, je suis submergé par une vague d'émotion, mes nerfs lâchent et je me mets à pleurer. Je ne pensais pas réagir comme ça. C’est seulement à ce moment que je réalise combien j’ai accumulé de tension nerveuse depuis le 8 décembre 2010, voire depuis octobre. J'ai tout pris sur moi, en moi, accepté le choc initial, supporté les résultats des examens successifs sans broncher, les chimios, les séances de radio, les aller-retours, les effets secondaires, mais là c'est la première fois que ça m'arrive ! Brrouf ! C'EST FI-NI ! ENFIN !

Je me rhabille péniblement et c'est les yeux mouillés que je quitte l'hôpital, je ne peux pas parler, aucun mot n'arrive à sortir.

Je ne suis pas radieux, mais irradié.

Comme si je commençais à regretter cet endroit, c'est con hein ?

Tu parles, c’est plutôt signe qu’une période particulièrement pénible de ma vie vient de se terminer et que je n’en voyais plus la fin. Je suis vraiment soulagé que tout se soit à peu près bien déroulé. Maintenant, il ne me reste plus qu’à affronter les soi-disant deux semaines où la toxicité de la radiothérapie sera la plus élevée.

Je n’y crois pas trop compte tenu de ce que j'ai subi ces derniers jours, ce n’est pas possible d’être plus mal encore.

Naïf que je suis !

Je sais, je l’ai déjà écrit ailleurs, pas besoin de me le faire remarquer.

En rentrant de là j'envoie un dernier mail:

Bonjour les gens,

Ça y est c'est fini: 33 séances de radiothérapie et 3 cures de chimio sont derrière moi. J'en ai fini de ces allers retours quotidiens à l'hôpital à attendre mon tour d'être irradié, entouré d'autres cancéreux à me demander "et eux, quelle saloperie les amène se faire traiter ici ?"

Au menu de ces prochaines semaines: les effets secondaires devraient encore augmenter au cours des quinze jours à venir puis diminuer, je continuerai à m'alimenter par la PEG pendant deux à trois mois, quelque chose comme ça, et je pourrai aussi reprendre progressivement (inutile de m'inviter tout de suite pour une grande bouffe, hein !) une alimentation normale, autrement dit des sousoupes et potages pour commencer, la côte de boeuf charolaise viendrabien plus tard... Avec tout ça: lent retour du goût et de la salivation.

Je ne suis pas tiré d'affaire pour autant, j'aurai encore des consultations plus espacées, un suivi régulier et dans 3 mois je saurais où en est ma tumeur et quelles seront les suites à envisager. Le suivi ne s'arrêtera pas là puisque j'aurai des contrôles tous les 3 mois, puis tous les 6 mois, puis tous les ans.

En attendant, je profite de ce répit pour me reposer, car la fatigue s'est accrue ces derniers jours et depuis, je suis vidé, crevé, lessivé, HS, donc merci de ne pas trop me solliciter pour me demander des news par téléphone (difficulté à parler aussi), par e-mail ça ira, pas de problème.

Mais savoir que je suis sur la pente qui remonte est réjouissant, il me faudra me laisser du temps au temps, ce que j'ai vaguement appris à faire au cours de ces 7-8 dernières semaines, mais cette fois, ce sera plus long.

A la fin de la séance, la technicienne m'a juste dit "Et voilà Monsieur Bays, c'est fini". Je l'ai remerciée, saluée et je me suis dirigé vers la sortie.

Avant que je ne quitte la salle, elle m'a appelé.

Je me suis retourné et à ce moment, elle m'a juste dit "Soyez heureux!"

C'est là que j'ai commencé à chialer.

A bientôt,

Patrick

Pour finir, une petite parenthèse mathématique.

Au cours de ce traitement j’ai reçu 70 Gray [Gy] répartis en 33 fractions de 2.12 Gy par fraction ainsi qu'au niveau des aires ganglionnaires électives de 52.8 Gy à raison de 1.6 Gy par fraction.
Une radio dentaire équivaut à 0.45 milliSievert [mSv] = 0.45 x 10-3 Sv

Or 1 Gy = 1 Sv.

70 ÷ 0.45 x 10-3 = ~ 155'555

En tout, j’aurais donc reçu une dose équivalente à 155'555 radio dentaires.

A raison d'une radio par jour, cela représenterait un peu plus de 426 ans.

Et comme je recevais 2.12 Gy chaque jour, c'est l'équivalent de 4'711 radios.

Ah oui quand même ! Je sais merci...

 
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