Document sans nom
patrickbays.ch
Si les people parlent de leur cancer, pourquoi pas moi ?
Document sans nom

reprise de l'Alimentation

Après des débuts un peu difficiles je suis les conseils du médecin et je recommence à manger "presque normalement" un repas sur trois, en général le soir. Mes aphtes disparaissent progressivement, ce qui me facilite le plaisir: fini les sauts au plafond. Je recommence également à sortir, notamment pour faire les courses avec N., afin de choisir des repas qui me font plaisir. A commencer par des aliments qui "glissent" bien, comme des pâtes à la crème, des flans, des plats en sauce, etc. Peu de légumes pour l’instant à moins qu’il ne s’agisse de soupes.

Salut,

Comment que ça gaze chez vous ? Ici muy bien gracias, en fait bien mieux qu'hier et bien moins que demain (c'est juste comme je l'ai écrit ? Nan parce que je me broute toujours avec cette phrase à la con...)

Alors, grande nouvelle, je re-com-men-ce à man-ger et le goût revient ! Sisi ! J'ai pu réduire mes quantités de Nestlé Nutrition de 1/3. Bon entendons-nous, je mange de la demi-portion et pourvu que ce ne soit pas trop sec: genre filet de bidoche cuisson saignante, épinards en branches, pot au feu, pâtes à la crème, flan au caramel, ce genre de trucs, et pas le cake pâtissier étouffe-chrétien qui te colle partout dans la bouche (…).

Sinon côté sorties extra-domicile, je suis toujours et vite fatigué, surtout lorsque je vais en ville, le soir de retour à la casbah. Hé ! Ça faisait presque 2 mois que je n'avais pas mis les pieds à la FNAC ou chez Payot, alors voir trop de monde au même endroit me stresse un peu, mon agoraphobie refaisant surface. (…)

Bon, je vous laisse, N. vient manger ce midi et je vais m'y essayer moi aussi.

Bonne fin de journée et bon ouïquende à tout le monde !

Patrick

Mais après quelques semaines de ce régime mixte je commence à en avoir ras-le-bol de la PEG.

Le régime prit fin un samedi matin lorsque je sentis l’un des chats se glisser sous le duvet et se mettre à renifler intensément les draps. Merde ! Qu’est-ce que cette débile a encore trouvé comme jeu à la con ? J’essaie de la repousser quand mes doigts touchent un liquide… Kwak ? J’allume aussitôt pour découvrir que la tubulaire de la pompe n’est plus raccordée à la PEG. J’ai un double épanchement: d’un côté la pompe continue à se vider dans le lit, et de l'autre mon estomac se vide également. Voir cette flaque de liquide nutritionnel achève de me réveiller très rapidement. Je rebouche la PEG, arrête la pompe et nous nous levons aussitôt pour effectuer une petite séance de ménage matinal. Le tout est sans gravité mais ça me fait réfléchir: serait-ce le moment d’arrêter ce mode d’alimentation ?

Le soir venu je continue à utiliser la sonde mais le lendemain je me tâte: et si je recommençais une alimentation normale ? Au pire, je risque de perdre du poids et si je constate que mon moral est en chute libre ou si je me sens faible, je reprends de la nourriture par la PEG. Je me dis également que puisque le médecin m’avait encouragé à m’alimenter de manière normale, autant pousser son raisonnement jusqu’au bout et ne plus utiliser la sonde. Et je dirais même plus, si je peux me passer de ce truc qui commence à devenir un poil inconfortable je me m’en porterai que mieux. Les arguments "pour" sont plus importants que les arguments "contre". Première nuit sans PEG donc.

Dès le lendemain j’attaque la journée avec un petit déj’ plutôt mouillé: restes de brioche trempés dans du thé. Un vrai bonheur. Avec un léger retour du goût semble-t-il. A midi et le soir, j’embraie sur des repas normaux. En quantité plus faible que d’habitude, soit, mais je m’alimente. Miam ! Je dois boire beaucoup de liquide car la salive n’est toujours pas au rendez-vous. Dans l’ensemble et à quelques exceptions près, tout se passe bien. Lors de l’une des consultations, j’avertis les médecins que j’ai arrêté l’alimentation par la PEG et ils ne trouvent rien à redire. Au contraire, lorsque je parle de tortellini à la crème, le Docteur Paulsen me regarde avec envie et déclare d’un air enthousiaste: "Ah oui ! C’est bon ça !".

Progressivement je range également le statif dans une autre pièce, car du point de vue déco, ça ne le fait pas trop. J’en ai marre de voir cet accessoire médical qui donne un look d’hôpital à la chambre à coucher. Hop ! Je le dégage dans un coin de la maison.

En recommençant à m’alimenter de manière naturelle, j’ai l’impression de voir le bout du tunnel et de refaire partie des gens normaux. L’impact sur le moral est tous simplement formidable ! Le goût revient également plus vite que prévu. Cette fois je me lâche, c’est franchement l’euphorie. Adieu Nestlé Nutrition ! Bonjour foie gras, pizzas, raviolis farcis au parmesan et sauce à la crème citronnée, accompagnés de leurs petits légumes, et coup de folie comme cette mousse aux fruits de la passion et au chocolat de chez un traiteur local, entrecôte persillée à souhait, cookies aux pépites de chocolat trempées dans mon café matinal. Et le goût du café ! Le-goût-du-ca-fé ! Mon Dieu ! J’avais oublié cette saveur divine ! Je revis, je remonte la pente à la vitesse grand V ! C’est du bonheur ! Il y a quand même quelques mets acides qui ne passent pas à cause d’aphtes résiduels, mais ce n'est qu'une affaire de temps.

Pour l’instant, je me jette sur tout ce qui me fait plaisir avant de tenter une alimentation plus équilibrée.

Les consultations médicales s’éloignent de plus en plus. Vers la mi mars, je rencontre le Docteur Paulsen pour la dernière fois: il me fixe une séance d’IRM pour la fin du mois d’avril et une semaine plus tard, j’aurai droit au concilium avec l’annonce des résultats. Je lui demande également la possibilité de travailler à 20 % "occupationnels" en avril, soit deux demi-journées par semaine, pour me replonger progressivement dans le travail.

Et le temps s’écoule à nouveau en une longue période d’attente. Attente de l’IRM et surtout attente des résultats. L’examen en soi n’est qu’une formalité peu confortable et bruyante, mais le concilium qui suit, ça c’est autre chose. Cette fois, je commence à trouver le temps long. Car mes forces reviennent et je peux davantage bouger. Mes sorties et achats en ville se soldent immanquablement par une journée de repos forcé le lendemain. Je suis encore vite épuisé.

 
  Document sans nom